Une collection mexicaine

La collection du couple Coppel, à la Maison Rouge jusqu’au 18 janvier, est principalement axée sur l’art latino-américain, et en particulier mexicain. C’est une bonne occasion d’en avoir une vue assez panoramique, où, à mes yeux, cohabitent deux visions, le Mexique exotique et le Mexique social.

2008-10-galeries003.1226312122.JPGEn fait d’exotisme, on voit ici une vision paradisiaque de Thomas Struth, de belles photos d’Alvarez Bravo et ce joli petit Chat dans la jungle de Gabriel Orozco, dont on peut par ailleurs découvrir le travail géométrique très formaliste. C’est contrebalancé par la célèbre photo de Francis Alÿs sur la « chorégraphie urbaine  » sur le Zocalo et par le projet de sculpture publique d’un groupe d’architectes de Monterrey (Tercerunquinto). Beaucoup de pièces, on s’y perd un peu, guère de logique dans le parcours, mais c’est peut-être inhérent à cet esprit de collection.

2008-10-galeries002.1226312185.JPGCe qui m’a le plus impressionné, ce sont trois vidéos d’Ana Mendieta (l’épouse défenestrée de Carl André) dont le travail sur le corps et son insertion dans la nature me fascine. Dans Sang et plumes #1 (1974), nue devant une rivière boueuse, elle performe un rituel sauvage, s’enduisant de sang, se roulant dans les plumes comme l’acquisition d’une seconde peau, une transfiguration. Sweating Blood (1973) montre son visage intense, concentré, fermé sur lequel, doucement, coule une goute de sang. Anima, Silueta de Cohetes (1976) rajoute le feu à ce mélange explosif rappelant les rituels primitifs, naturels, qu’ils soient indiens, vaudous ou antiques. Ce sont des oeuvres très fortes, dans lesquelles l’artiste s’engage pleinement, et qui ne laissent pas indifférent.

2008-10-galeries004.1226312247.JPGTout aussi dérangeante est l’installation de Terence Koh, trace subsistant d’une performance visible sur l’écran en face : ici un squelette et, sur les miroirs, des empreintes, peinture, cire, sperme peut-être (Skeleton Painting). Comme à Francfort, ce qui subsiste, ce qui est montré n’est qu’une évocation du rituel qui a eu lieu, et qui nous est inaccessible. Si c’est au premier degré un travail sur le rite et sur la mort, c’est aussi une réflexion sur le rapport inaccompli au spectateur.

2008-10-galeries006.1226312394.JPGSimon Starling, qui fut lauréat du Prix Turner avec une transformation cabane-canot-cabane, montre ici un film (4725 Motion Control / Mollino) lent et sensuel sur une chaise en bois de Carlo Mollino. La caméra épouse les formes courbes de la chaise, les caresse, les érotise presque. 2008-10-galeries005.1226312284.JPGCette douceur est niée par le dispositif de projection, énorme projecteur 35 mm où la pellicule suit un trajet compliqué et contourné dans un bruit mécanique agressif. Le spectateur ne peut plus s’absorber dans la contemplation, il est ramené au réel, à l’illusion de la représentation que ce projecteur-monstre lui jette à la figure.

ortega2.1226312330.jpgEnfin, parmi tant d’autres pièces, au sous-sol, la vidéo Moby Dick de Damian Ortega (que nous verrons bientôt à Beaubourg) où une coccinelle VW se transforme en cheval fougueux et indomptable que des cow-boys tentent vainement d’entraver au son de Moby Dick, de Led Zeppelin. Une machine transfigurée.   

Photos de l’auteur, excepté Ortega.

4 réflexions sur “Une collection mexicaine

  1. Gaetan dit :

    j’ai également vus cette exposition hier, et a vrais dire j’ ais été légèrement déconcerté. c’est un peu mon ressentiment habituel a maison rouge, les espaces sont toujours les meme, toujours découpés, toujours opposés meme.
    je ne me permet pas ici de dire que la muséographie est mauvaise mais je cerne mal l’interet des oeuvres entre elles.
    bref, tout comme vous les oeuvres de Mendieta m’on particulièrement intéressé.
    Enfin tout cela pour dire, que je reste admiratif de votre regard objectif sur l’actualité artistique.

    Merci.

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  2. Cécile B. dit :

    J’aime la Maison Rouge. Plus qu’y visiter des expositions, je vais m’y promener et me laisser surprendre. Parfois je reviens chez moi avec des espèces de petits trésors déroutants et parfois malsains (une video de Bill Violla cachée dans une collection de particulier, la violence des oeuvres de Berlinde de Bruyckere, les dessins d’un artiste d’art brut obsédés par les petites filles-petits garçons, les pulsations du coeur de Boltanski qui maintenant vieillit et réfléchit à la proximité de la mort) … Parfois je rentre bredouille.

    En l’occurence, je ne savais pas du tout ce que la collection Coppel allait me révéler. Et, de fait, je n’ai d’abord rien trouver.

    Puis si … cet ordre « presser ce bouton vert pour mettre en marche le pojecteur et le film ». Le film a commencé à tourner, flou, pourri, aux images bizarrement bleutées …

    J’ai alors découvert « Conical intersect 1975 » de Gordon Matta Clark qui, sur arrière-fond d’éventration sauvage du quartier des halles et de construction de Beaubourg (à l’état de squelette blanc), fait son propre trou des halles et réalise, entre les deux étages d’un vieil immeuble de la fin du XVIIème siècle voué à disparaître à jamais, une oeuvre d’art contemporain magnifique, éphémère, énorme et époustouflante.

    Parfois, rien que pour une seule oeuvre, rien que pour un moment de ce genre, il faut inlassablement battre le pavé des expositions de toute sorte !

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